Les parties I, II, III, V et VI sont tirées du mémoire de recherche de Mme SOW Fatima NDIAYE, intitulé «la nature comme instrument d’une culture de la paix», 2016/2017.
I/ Pourquoi Biodiversity For Peace?
Les profits que l’homme tire de la nature sont appelés les services écosystémiques.
En France 43 services écosystémiques sont listés et sont regroupés en trois catégories : les services d’approvisionnements correspondant aux biens que les écosystèmes produisent (eau, pêche, agriculture, alimentation), les services de régulation (atténuation des variations climatiques, la régulation des crues, des cours d’eau, la prévention des avalanches par certaines forêts, etc..) et les services à caractère social qui rassemblent les bénéfices immatériels que la nature offre à l’homme (éducation, loisirs, valeurs religieuses de certaines espèces ou espaces naturels, les rites, la santé, les liens sociaux, le sport, etc…).
La biodiversité ou la diversité biologique est définie comme étant «la variabilité des organismes vivants de toute origine, y compris les écosystèmes terrestres, marins et autres écosystèmes aquatiques, ainsi que les complexes écologiques dont ils font partie. Elle comprend la diversité au sein des espèces et entre espèces, la diversité des écosystèmes ainsi que les interactions entre les organismes vivants.» (Article 1 Loi 2016-1087 du 08 aout 2016).
Le bien-être de la personne dépend en grande partie des services rendus par les écosystèmes. Ainsi l’OMS souhaite que chaque personne dispose au moins de 12m² d’espaces verts dans son milieu de vie.
A ce jour des expériences et études sont faites sur les effets positifs de la nature sur la santé, le bien-être et les relations sociales par l’intermédiaire de la vue (contact visuel : Ulrich, 1984, Honeyman 1992, R. et S. Kaplan 1989, S. Kaplan 1995), ou de la manipulation (jardiner : Péraldi 1985; CDC biodiversité 2017).
Chaque processus intervient sur le psychisme de la personne en réveillant souvent un sentiment biophilique (Wilson, 1984). Ces deux méthodes basées sur la vue et le toucher font appel aux sens destinés au développement intellectuel et émotionnel de l’homme.
Même si les études sont faites à l’étranger, certaines expériences déroulées en France démontrent que la nature en milieu urbain pourrait bien améliorer le comportement des jeunes pour qu’ils s’inscrivent dans une dynamique de la non-violence[1].
II/ Quelles recherches et études?
Depuis le début des années 80 des recherches sont faites sur l’importance de la nature sur la santé, le bien-être des populations et l’amélioration de leur relation.
L’ethnobiologiste Joris Zufferey cite dans son état des lieux scientifiques portant sur les apports de la nature sur la santé et le bien-être de l’homme, des études faites à l’Université de Washington. Il relate que le fait d’être en contact avec la nature, de s’y balader, d’y pratiquer une activité sportive, rééquilibre la tension artérielle et l’activité cardiaque, réduit la crispation musculaire, diminue l’activité du système nerveux sympathique, procure dynamisme, créativité, calme et concentration à la personne.
Le livre de Nicolas et Sébastien (Guéguen et Meineri, 2012) «pourquoi la nature nous fait du bien» présente des expériences liées aux bienfaits de la nature à l’homme pour son développement intellectuel, sa santé, son bien-être et ses relations.
Jérôme Pellissier (2017) s’inscrit dans la même logique avec son livre sur «jardins thérapeutiques et hortithérapie, comment la nature prend soin de vous, jardiner pour se soigner». Il présente lui aussi différentes recherches sur la santé et le bien-être que la nature procure à l’homme mais aussi cette double prise de soins entre les deux.
Une expérimentation sur la santé et la productivité au travail citée par Nicolas (Guéguen, 2014 et 2017), décrit l’importance de la nature dans différents milieux d’évolution de l’homme. Qu’il soit à la maison, au travail ou en récréation (vacance), l’homme a besoin d’être en contact avec la nature pour son développement sain.
Dans la tradition japonaise, la nature était intégrée dans la vie des bouddhistes. Et depuis les années 1950, le gouvernement japonais conscient du rôle préventif que joue le «shinrin-yoku» (bains de forêt) à la bonne santé des populations, l’avait intégré au programme national de santé publique.
Guéguen et Meineri (2012) racontent l’expérimentation du professeur Quing Li sur deux groupes de personnes. Le premier comptant 250 personnes est resté trente minutes en forêt, puis le second de 498 personnes, quant à lui est en zone neutre. L’équipe de chercheurs avait trouvé dans le groupe qui avait marché dans la forêt que le taux de cortisol (hormone du stress) était à un niveau de concentration moins élevé qu’il ne l’était après la marche en zone urbaine. Quing Li a conclu qu’«être en forêt permettrait de faire baisser le rythme cardiaque et la tension artérielle, réduire la production d’hormones de stress, améliorer le système immunitaire par sa stimulation et générer des sentiments globaux de bien-être».
En 1984, Roger Ulrich, architecte suédois spécialisé dans les établissements de soins, démontrait déjà que les patients qui avaient une chambre dont la fenêtre était ouverte sur une forêt, prenaient moins d’antidouleurs que ceux dont leur fenêtre s’ouvrait sur un couloir.
Roger en collaboration avec C. Simon (Ulrich et Simon, 1986) «ont mis en évidence des changements physiologiques entraînant la baisse de niveau de stress (rééquilibrage du rythme cardiaque, baisse de la pression artérielle et de la tension musculaire) à la vue immédiate de plantes. Cette diminution des symptômes physiologiques du stress se produit dans les 4 à 6 minutes qui suivent le contact visuel avec la plante.»
En 1992, Honeyman conclut après ses expériences que «l’exclusion de la végétation dans des zones urbaines suscite véritablement des réactions psychologiques négatives chez l’Homme qui augmentent le stress» et que «l’implantation du végétal dans l’environnement urbain a une incidence psychologique positive».
Le couple Kaplan (R. Kaplan et S. Kaplan, 1989) démontre que le contact avec la nature contribue à diminuer la fatigue mentale. S. Kaplan, lui même en 1992 a conclu dans son étude que «les gens disent souvent qu’ils aiment la nature; pourtant, ils se rendent rarement compte qu’ils en ont besoin. La nature n’est pas… quelque chose d’agréable; elle est un élément essentiel au fonctionnement sain de l’être humain». Un individu qui fonctionne de manière saine se détourne du conflit voire de la violence.
D’autres expériences sur les bienfaits de la nature sont décrites par Pellissier (2017), Guéguen et Meineri (2012) faisant allusion à l’augmentation de la longévité, la réduction des symptômes cardio-vasculaires, des troubles respiratoires et de la mortalité associée. De plus la réduction des troubles de l’attention et l’amélioration de la capacité de concentration sont mis en évidence. Jérôme Pellissier (2017) conforte la thèse selon laquelle la nature fortifie l’intelligence et la concentration chez l’homme : «dans la nature, les stimuli sont plus doux, notre cerveau est nourri en permanence mais pas surchargé».
D’autres études ont par ailleurs souligné l’important rôle que la nature joue dans les relations sociales. Des chercheurs coréens ont mis en évidence des études basées sur la vision d’images de milieux naturels. Il s’est trouvé que ces personnes présentaient une activité plus grande dans les zones cérébrales associées à l’empathie et à l’altruisme. Ce qui rentre dans la pacification des relations interpersonnelles.
Selon Nicolas et Sébastien (Guéguen et Meineris, 2012) «tous les éléments naturels qui nous entourent ont une incidence sur nos interactions sociales et notre bien-être».
III/ Quelques usages de la nature
Aujourd’hui, plusieurs conceptions d’usages de la nature sont mises en pratique pour le bien-être de l’homme.
En Angleterre la fondation Wilderness utilise la forêt sauvage pour permettre aux populations de se décentrer de tous les problèmes quotidiens liés à la vie urbaine. Cette approche crée des liens à plusieurs niveaux lors des sorties et renforce l’estime de soi. Cette estime de soi est très importante dans la relation avec l’autre et met en confiance la personne pour qu’elle puisse entrer pacifiquement en contact avec l’autre. La fondation a d’ailleurs mis en place une thérapie qui vise à améliorer le bien-être de la personne et l’objectif est : «our evidence also shows that it will have a significant impact on your awareness of yourself, your self-esteem, your relationships with other people, and your relationship with the world».
L’utilisation de la nature sauvage pour aider les jeunes en difficultés à changer de comportement pour mieux s’insérer dans la vie, est mise en pratique par une école de formation aux métiers de l’environnement s’appuyant sur le parcours irvin[2].
Dans le cadre de l’insertion et de la lutte contre l’exclusion auprès des populations en grandes difficultés, le jardinage est utilisé comme un outil d’insertion sociale depuis longtemps. Déjà répandus en Allemagne et au Nord de l’Union Européenne, les jardins sociaux permettraient de tisser du lien entre les acteurs et pacifieraient leurs relations. Les plus connus sont les jardins de maraîchage collectifs pour une insertion à visée économique et les jardins de développement social pour l’insertion sociale.
De ces exemples, la nature jouerait un très grand rôle dans l’amélioration des relations sociales et dans l’intégration socioéconomique de personnes en difficultés.
Les jardins, les parcs et les squares constituent des lieux de rencontre et souvent de partage, donc ils pourraient être considérés comme des lieux pacifiés ouverts au public et comme outils de socialisation qui faciliteraient à l’individu l’ouverture au monde extérieur.
Péraldi (1985) pense que le jardin vise l’universel et quel que soit l’univers social de référence : cité, quartier, ville. Whittet indique que «les parcs sont eux-mêmes de grands civilisateurs, de grands égalisateurs. Ils élèvent le peuple vers une vie supérieure, ils sont éducatifs, ils sont une source d’inspiration» (ATLAN et al, 1985, le genre humain, n°191).
Marques et Bouzou (2016) abondent dans le même sens, pour eux, les parcs, les jardins et les aires de loisirs, lieux de rencontre, renforcent le sentiment d’appartenance aux quartiers et plus largement à la communauté ; ce qui pourrait renforcer la citoyenneté des jeunes ; l’amour du pays.
Biodiversity For Peace s’intéresse à la résolution de conflits au niveau individuel (être en harmonie avec soi-même) et collectif (entrer en contact pacifié avec l’autre).
IV/ Quels objectifs pour Biodiversity For Peace?
L’objectif de B4P est d’exploiter la sensation de quiétude que nous pouvons ressentir lorsque nous nous trouvons à proximité avec la nature. Biodiversity For Peace (B4P) informe, sensibilise et forme notamment des jeunes sur les bienfaits de la nature dans la gestion de leur relation sociale.
Pour cela, l’association compte en son sein des membres qualifiés dans ce domaine pour accompagner des projets en lien avec la nature. Ceci s’inscrit dans l’optique d’acquisition de nouvelles compétences à mettre en pratique et à partager avec l’environnement social et humain pour une culture de la non-violence. B4P se veut aussi un partenaire actif ouvert aux autres structures pour mieux sensibiliser les habitants sur les bienfaits de la nature sur leur santé et leur développement psychologique.
Biodiversity For Peace met les jeunes en avant, les valorise et les accompagne pour qu’ils deviennent de vrais leaders menant des actions en faveur de la protection de la nature et promouvant une culture de paix pour un monde meilleur.
Parallèlement, B4P veut devenir un pôle de connaissances, rassemblant des études scientifiques en rapport avec les thématiques développées par l’association. L’équipe entend également mener ses propres recherches, mettant en évidence la relation entre la nature et l’amélioration de la qualité de vie des populations pour une culture de la paix.
Pour proposer un accompagnement simple et efficace, Biodiversity For Peace s’appuie sur quatre grands axes dont la finalité est le bien-être de l’individu pour une culture de la non-violence :
Biodiversity For Schools (ateliers destinés aux écoles) ;
Educational Workshops (ateliers interactifs autour de la nature et de la biodiversité destinés à tout public) ;
Biodiversity in Neighborhoods (création de collectifs de quartiers pour construire de nouvelles pratiques autour de la nature entre voisins pour un mieux vivre ensemble)
Youth Relay Training (formations de jeunes adultes en France et à l’étranger pour transmettre les valeurs du mieux vivre ensemble via des projets liés à la biodiversité).
Toutes ces actions se développent dans un premier temps, en France et puis à l’étranger. Biodiversity For Peace est une association à dimension internationale.
V/ Pourquoi Biodiversity For Peace s’intéresse
notamment aux jeunes ?
La jeunesse est la période transitoire entre celle de l’enfance et celle de l’âge adulte qui commence de la préadolescence à la post adolescence. Elle correspond à l’âge où le jeune entre dans une phase où ses coordonnées sociales se fabriquent presque définitivement et s’élargissent. L’âge où toutes les relations sociales sont importantes pour le jeune.
A l’adolescence, il est plus influencé par son passé et est dans des moments où il doit se projeter sur son avenir. Il est important de l’aider à bien faire la transition entre l’enfance et l’adolescence marquée la plus part du temps par le renforcement de la personnalité et souvent la révolte.
Les jeunes ne vivent pas en marge de la société, ce sont des êtres qui ressentent les mêmes vexations que les adultes mais leur frustration semble souvent plus exprimée pour des raisons liées à leur stade de développement.
Le bien-être du jeune peut influencer ses choix et son avenir professionnels, d’où l’importance de lui faire profiter des effets de la nature aussi bien sur sa santé que sur son développement personnel.
VI/ Quelles valeurs ajoutées à Biodiversity For
Peace?
– Chaque projet fait l’objet d’une expérimentation et les résultats sont présentés au public avant l’élargissement de l’action.
– Les actions tournent autour de quatre valeurs très importantes :
1. La solidarité : dans la transmission des connaissances (des jeunes forment d’autres jeunes à la suite de la première session), dans l’apprentissage à construire et à gérer ensemble ;
2. La démocratie : par l’écoute et pris en compte des avis des jeunes, le respect de leurs choix d’espèces, cogestion avec des règles préétablies par le groupe ;
3. Le respect de la nature : apprendre à considérer l’autre être vivant qui n’est pas humain, vivre avec la nature et avoir une attitude écoresponsable, préserver son environnement ;
4. La responsabilité : assumer ses responsabilités individuelles (rapport avec la nature, l’entretien de l’espèce choisie), collectives (respect des règles préétablies par le groupe), connaitre et préserver le bien commun.
Toutes ces valeurs permettent le renforcement du mieux vivre ensemble, une très bonne préparation à la vie professionnelle et un sens élevé des responsabilités.
VII/ Quelles démarches?
Biodiversity For Peace opte pour une démarche scientifique. Chaque projet fait l’objet d’une étude expérimentale avant son élargissement dans d’autres zones.
Ainsi, une approche méthodologique et un protocole scientifique sont définis pour chaque projet expérimental. Les résultats de chaque projet portent sur les indicateurs de réalisation, les indicateurs de résultats et les indicateurs d’impacts.
Pour arriver aux résultats nous évaluerons en amont, au cours et à la fin de chaque action.
[1] Fatimatou NDIAYE, mémoire de recherche 2016-2017, «la nature comme instrument d’une culture de la paix», page 8 et 22
[2] Intégration Rustique pour la Vie par l’Immersion Naturelle